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Mode et Intelligence Artificielle : quel potentiel pour le futur du secteur

Des défilés aux magasins, les applications de l'intelligence artificielle dans le commerce au détail au cœur des débats lors de l'édition 2024 de l’NRF Retail's Big Show à New York

 

Michele Veggian, Domains Delivery Manager de Deda Stealth

 

Los Angeles, novembre 2019. Nous nous trouvons dans une ville pluvieuse et crépusculaire, perpétuellement couverte de pollution. Un futur dystopique est déjà là pour la population qui fait face aux avancés technologiques bien représentées par les « réplicants », des androïdes à l'apparence humaine qui sont considérés comme une menace pour la société. 

Ce n’est pas difficile de comprendre l’allusion au chef-d'œuvre cinématographique « Blade Runner » qui invite les spectateurs à s'interroger sur l’humanité et sa signification à l’aide d’un voyage dans les méandres du progrès scientifique. 

Bien que l’histoire se déroule à l’époque contemporaine, le film date de 1982, presque 30 ans après la publication de l’article « Computing Machinery and Intelligence », écrit par Alan Turing, considéré comme le père de l’Intelligence Artificielle. Le but de ses recherches était de répondre à la question « Les machines peuvent-elles penser ? ». Pour y répondre, Alan Turing a développé un modèle d’intelligence artificielle à l'aide du Test de Turing, fondé sur la faculté d'une machine à imiter la conversation humain (Ce Test a inspiré Ridley Scott qui a introduit le test de Voight-Kampff dans Blade Runner).

L'intelligence Artificielle n’est donc pas un sujet en vogue de notre époque, mais depuis des décennies il suscite l'intérêt de la Communauté Scientifique. Beaucoup de chercheurs, en effet, sont toujours au travail pour découvrir de nouvelles déclinaisons de la pensée humaine.  Plus que le thème en lui-même, ce qui représente la vraie nouveauté de nos jours c’est plutôt la technologie qui alimente les innombrables utilisations de l’IA : le Machine Learning, le traitement du langage naturel ou la Robotique comptent parmi les sujets les plus examinés par les scientifiques.


 

Des fiches-produits au design créatif : ce que l’IA a déjà changé dans l’industrie de la mode

 

A partir de 1956 les différentes utilisations de l’IA ont connu une augmentation exponentielle : la raison en est que cette année-là, l’intelligence artificielle est officiellement devenue un domaine de recherche. Aujourd’hui son application a des incidences sur différents secteurs de l’économie : les transports, la vente au détail, la médecine et l’ingénierie. 

L’industrie de la mode ne fait pas exception : dès que les Fashion week ont fermé leurs portes pour cette saison, les marques se sont déjà mises au travail pour la production et la distribution des vêtements présentés lors des défilés. Quel futur pour la mode avec l’IA ? La combinaison entre technologie d’avant-garde et mode a déjà changé certaines pratiques du secteur et il n’est pas difficile d'imaginer un futur où les vêtements et les accessoires arriveraient sur le marché plus rapidement grâce à l’IA.  L’intersection entre la créativité des designers et l’intelligence artificielle - prédictive et générative - a été largement examinée lors de l’NRF Retail's Big Show à New York en janvier dernier. Pendant les conférences et les ateliers, les intervenants ont souligné comment l’utilisation de l’IA peut optimiser les opérations de business des entreprises.

 

Dans les domaines de l'innovation du produit, du marketing, des ventes et de l'expérience client, l'IA générative peut avoir des résultats significatifs et se montre plus facile à mettre en oeuvre que dans d'autres domaines de la chaîne de valeur de la mode. En plus des rapports sur les tendances et des analyses du marché, les détaillants et les designers peuvent désormais utiliser des algorithmes d'apprentissage automatique pour collecter et interpréter des données non structurées qui concernent le sentiment des consommateurs à partir de vidéos présentes sur les réseaux sociaux. Cela leur permet non seulement de créer des collections plus adaptées aux nouvelles tendances, mais aussi de personnaliser l'expérience d'achat pour les clients finaux. Un rôle différent est joué par l'IA prédictive, qui trouve déjà de nombreuses applications dans les domaines du réapprovisionnement et de la production.

 

Des processus à la stratégie : les données guident les tendances du commerce au détail

 

On estime que la génération de capital liée à l'intelligence artificielle pourrait atteindre jusqu'à 275 milliards de profits dans les secteurs de l'habillement, de la mode et du luxe. Une donnée qui annonce une nouvelle façon d'aborder les processus du secteur, orientant l'industrie vers de nouveaux modèles de commerce.  L'intelligence artificielle n'est donc pas seulement une question d'automatisation : elle concerne également l'optimisation et l'accélération des flux de travail typiques d'une entreprise de mode.

Par exemple, l'IA révolutionne déjà la gestion des stocks et la planification des étapes de production. Des marques de renom dans le domaine de l’habillement sportif, figures de proue de cette révolution, utilisent l'IA pour optimiser la gestion des stocks et de la logistique, améliorant ainsi l'efficacité opérationnelle et réduisant les gaspillages.

 
 

Grâce à l'analyse prédictive, les détaillants peuvent anticiper la demande des clients et maximiser les assortiments de produits en fonction de facteurs tels que la saisonnalité, les préférences régionales et les tendances du marché. De plus, la possibilité d'analyser rapidement de grands volumes de données permet de contrôler les composants de la chaîne de valeur qui interviennent dans les phases de planification ou réapprovisionnement (stocks en magasin, commandes, précisions, etc.) et d'intervenir rapidement en cas de crises systémiques.
Dans le but d'atteindre une efficacité majeure, on vise également à réduire les gaspillages (il faut considérer qu'actuellement, 40 % des produits de mode dans le monde ne sont pas vendus au prix plein et que 25 % des produits ne sont pas vendus du tout) et à maximiser les ventes, améliorant ainsi la rentabilité globale de l'entreprise et soutenant simultanément la mode éthique et durable.

 

Cependant, il ne faut pas oublier que dans un secteur comme la mode où les émotions et la créativité sont prédominantes, se fier uniquement aux données pourrait être une limite. Comme l'explique Francesca Muston, Vice-Présidente de la mode chez WGSN, une société leader dans la prédiction des tendances basée à Londres, il y a quelques années, de forts indicateurs sur les réseaux sociaux montraient que le jaune devenait une tendance. Cependant, bien que presque tout le monde a une réaction positive aux couleurs vives dans le monde virtuel, il est peu probable que quelqu'un porte un manteau jaune vif pendant tout l’hiver dans la vie réelle. Pour cette raison, pour créer des prévisions précises, le rôle des experts et des professionnels sera indispensable pour donner une interprétation réelle des données collectées à l’aide de l'IA.

 

En explorant les opportunités de l'intelligence artificielle : aborder les risques avec discernement.

Les utilisations de l'IA transforment également l'expérience en magasin et en ligne des clients.  Lors du NRF à New York, nous avons observé avec intérêt des démonstrations de systèmes de reconnaissance faciale et d'analyse du comportement des clients : ce sont des données qui permettent aux vendeurs de proposer des recommandations personnalisées et de maximiser l'engagement hors ligne et en ligne. Aux côtés des nouvelles opportunités, quelques points d’attention émergent :

La gestion de l'emploi : 73% des dirigeants de l'industrie de la mode prévoient de donner la priorité à l’IA Générative cette année, tandis que 62% des entreprises de mode l'utilisent déjà. Cependant, comme l'explique le rapport de McKinsey "The State of Fashion 2024", seulement 5% des dirigeants ont déclaré être prêts à investir pleinement dans cette technologie. Le risque est que beaucoup entre eux se retrouveront confrontés à une pénurie de talents.  Les chefs d'équipe et les départements des ressources humaines seront donc appelés à s'engager pour promouvoir la bonne culture d’entreprise et encourager l'utilisation de technologies et d'outils de pointe;

Le risque de lock-in : c'est une situation dans laquelle les entreprises pourraient se retrouver en s'appuyant sur des fournisseurs monopolistiques en matière d'IA. Comme pour tous les services à valeur ajoutée, il est essentiel d'avoir un plan B, et d’ouvrir les portes aux collaborations avec plusieurs acteurs concurrents spécialisés dans des domaines spécifiques;

La confidentialité des données et l'éthique de l'IA : la génération d’algorithmes d'intelligence artificielle se produit encore aujourd'hui grâce à l'utilisation de données personnelles "raclées" (webscraping). Les détaillants doivent trouver l’équilibrer entre innovation, responsabilité sociale et transparence pour assurer une gestion appropriée des données sensibles.

Libérer le potentiel des données pour analyser et tracer les informations à travers des algorithmes construits selon les besoins des différentes entreprises devient un facilitateur pour un nouveau chemin vers la réalisation des objectifs commerciaux. Cela est vrai en particulier dans un secteur comme la mode où l'évaluation de la demande garantit une planification optimale de la production, évitant les surplus de stock ou les excédents de marchandises invendues en magasin.

 

La spécialisation au cœur de la stratégie des acteurs de l'IA

 

L'un des aspects les plus significatifs que nous retenons de notre expérience à New York est la tendance croissante à la spécialisation des acteurs de l'IA par domaine d'application : reconnaissance vocale, négociation B2B, B2C, étude des comportements en espaces clos et ouverts, hologrammes qui interagissent avec les visiteurs ne sont que quelques exemples d'applications de l'IA.
Dans ce contexte où l'hyperspécialisation par domaine conduit à la proposition de solutions efficaces et réalisables à court terme, la valeur ajoutée des entreprises sera représentée par la facilité d'intégration.

La culture des données doit être à la base d'une approche responsable correcte, un chemin que Deda Group a entrepris de façon cohérente.

 
 

Chez Deda Stealth, nous travaillons pour assurer à nos clients l'intégration responsable de nos plateformes technologiques, notamment grâce à la collaboration avec ORS, entreprise du groupe Deda spécialisée dans le développement d’algorithmes d’IA pour l’optimisation des processus intersectoriel.

L’avenir du commerce au détail peut sembler difficile à prévoir, mais une chose est sûre : l'IA y sera au centre, représentant non pas une tendance éphémère, mais une métamorphose fondamentale pour élargir les possibilités de croissance tant pour les marques que pour les consommateurs.

Michele Veggian Domains Delivery Manager de Deda Stealth